Avant même de commencer le cours de gestion de classe, j’éprouvais déjà des sentiments mitigés par rapport aux systèmes d’émulation parce que j’ai pu en expérimenter plusieurs au cours des dernières années, que ce soit en stage, en suppléance ou dans ma vie d’animatrice scoute.

La plupart de ceux que j’ai rencontrés servaient davantage à punir les enfants qu’à les encourager et je ne me suis jamais sentie vraiment confortable dans cette façon de faire. Même lorsqu’il s’agit de donner (des points, des billets, de l’argent scolaire...) j’ai l’impression d’acheter les bons comportements plutôt que de leur donner envie de participer positivement à la vie de la classe.

Le cours m’a permis de comprendre que mon inconfort provient du fait que ces méthodes ne font pas partie de mes valeurs en tant qu’adulte qui a des jeunes à sa charge.

D’un point de vue plus professionnel, je crois que les systèmes d’émulation peuvent être difficiles à gérer et contraignants (en temps et en rigueur) pour l’enseignant. Ils doivent être tenus avec constance et être vraiment bien définis pour être justes et profiter aux bons élèves. Je pense qu’il est possible d’obtenir de meilleurs résultats avec d’autres méthodes plus simples et plus efficaces.

De plus, je ne crois pas que les systèmes d’émulation contribuent à maintenir un bon climat de groupe parce qu’ils peuvent ostraciser certains élèves et entretenir un esprit de compétition qui peut devenir malsain.

Je pense toutefois que les systèmes d’émulation doivent être utilisés à l’occasion, de manière ponctuelle, avec des élèves ciblés, pour les aider à vivre des petites victoires. Je pense à ces enfants pour qui les systèmes de groupe auraient l’effet d’un démotivateur, à ces enfants qui ne réussissent pas suffisamment pour obtenir les récompenses. Pour ceux-là, un système d’émulation personnel permet de mettre l’accent sur les succès pour provoquer d’autres succès.

Voici un exemple de système de motivation qui pourrait être mis en place dans une classe de 1er cycle du primaire. L'école ciblée utilise le thème "sois le héros de ton année".

Je privilégie ce type de système dans ma pratique parce qu'il encourage les comportements positifs au lieu de punir les comportements négatifs. Bien entendu, son utilisation est parallèle à un code de vie créé avec les élèves de manière à ce qu'il soient en mesure d'anticiper quels comportements sont renforcés et lesquels ne le sont pas.

Le premier jour, j’annonce aux élèves qu’à la fin de la journée, je choisirai deux élèves qui seront les super héros du jour. Je leur explique que je pourrai choisir ces super élèves selon deux critères:

1.   Un élève ayant fait une gentillesse remarquable ou ayant rendu service à un autre enfant. Par exemple, Sophia renverse accidentellement son lait pendant la collation. Spontanément, Adam se lève, va chercher un linge et vient l’aider à essuyer son dégât.

2.   Un élève ayant fait un effort spécial dans le travail. Par exemple, Cristal a des difficultés en calligraphie. Ce matin, lors de l’écriture approchée, elle a mis beaucoup d’énergie dans sa production et son travail, bien que court, représentait une réelle amélioration de la qualité par rapport à ce qu’elle fait d’habitude.

Le premier critère permet d’encourager les gestes de gentillesse entre les élèves et les incite à rendre service. Cela renforce le climat de classe puisque les enfants apprennent qu’ils peuvent compter les uns sur les autres.

Le deuxième critère souligne l’effort et encourage les élèves à se dépasser. Les élèves ayant des défis bien différents (organisation, participation, qualité du travail, etc.), ce critère permet d’aller cibler leurs difficultés et de leur montrer qu’ils sont capables de s’améliorer, un petit peu à la fois.

Je rappellerai ces critères verbalement à quelques reprises dans la journée (les premiers jours) pour les encourager.

À la fin de la journée, nous faisons une petite cérémonie:

Je revêts ma cape rouge et mon masque de super héros. Je mets de la musique énergique (j’aime bien la bande sonore du film Indiana Jones), je tamise les lumières et je donne des lampes de poche à 2 élèves (les super élèves de la veille), qui éclairent l’avant de la classe avec leur "projecteur". Je décris le bon geste ou le beau travail que j’ai observé au cours de la journée et je nomme le super élève qui l’a fait. On l’applaudit. Il vient sous le feu des projecteurs où je lui remets un masque rouge en feutre. Je fais la même chose avec le deuxième élève. Je les prends tous les deux en photo avec un polaroïd avant de terminer la cérémonie.

Ce soir-là, les enfants peuvent apporter le masque à la maison pour le montrer à leurs parents. 

Lorsqu’ils ont quitté, j’inscris la raison pour laquelle ils ont été super élèves sur le polaroïd et je l’affiche dans le corridor sur le babillard de la classe, où tous les élèves de l’école peuvent le voir.

Pour les 10 premiers jours, c’est moi qui choisirai les super élèves chaque jour pour montrer aux enfants quels sont les gestes attendus. Chaque élève sera choisi une seule fois et je m’efforcerai de choisir chaque jour au moins un élève pour qui c’est un défi. Les élèves choisis auront les lampes de poche (projecteurs) lors de la cérémonie suivante.

Pour les 10 jours suivants, les super élèves de la veille deviendront des espions responsables de me suggérer les héros du jour. Ce sont eux également qui remettront les masques aux nouveaux héros. Je m’assurerai que tous les enfants soient choisis une fois lors du deuxième tour également, mon rôle sera donc d’encourager les enfants dans ce sens et peut-être de leur suggérer de concentrer leur espionnage sur un enfant en particulier.