Les élèves allophones en classe ordinaire

*Ce billet est un travail universitaire réalisé en équipe (Mélissa Bergeron, Marie-Andrée Jolicoeur),  dans le cadre du cours ASC2047- Éducation et pluriethnicité au Québec.

Les défis d'un élève allophone

J'ai demandé à des enseignantes de mon entourage quels étaient les défis à relever pour un enfant allophone lorsqu’il se retrouve en classe régulière. Comme je m'y attendais, la langue est au cœur de leurs réponses. J'ai cependant pu prendre conscience que les difficultés rencontrées par ces élèves sont variées et que la francisation a un impact sur plusieurs sphères de leur vie.


L'impact de la francisation

Vocabulaire

D’emblée, les enseignantes consultées ont mentionné que le manque de vocabulaire en français a des répercussions sur l’ensemble des matières scolaires. Le faible niveau de vocabulaire des élèves se traduit par des phrases courtes et simples, parfois à l’oral mais surtout à l’écrit. De plus, cela se ressent beaucoup dans les domaines des sciences, des arts et de l’éthique et culture religieuse, des matières qui sont souvent nouvelles pour les élèves, peu importe leur âge d’arrivée.

Soutien linguistique

Le soutien linguistique est également un facteur très important. De manière générale, un élève allophone bénéficie d’aide à la francisation hors-classe, qu’il soit passé par une classe d’accueil ou non. Tous s’entendent pour dire que ces périodes sont nécessaires pour l’enfant mais qu’elles causent des retards dans les autres matières. De plus, les enfants présentent souvent un ralentissement des acquisitions académique parce que tout le potentiel est mobilisé au niveau de l’apprentissage de la langue.


Socialisation

Du point de vue de la socialisation, les enfants allophones ont parfois une faible estime d’eux-mêmes. La maîtrise de la langue est ici aussi un facteur mais il semble que ça ne soit pas le seul. En effet, le décodage des codes sociaux demande du temps et l’enfant allophone se sent parfois incapable de comprendre et d’agir selon les codes sociaux de son pays d’accueil.

Les familles immigrantes déménagent souvent pendant l'intégration. Elles ont tendance à s'installer quelques années dans un quartier puis à s'en éloigner lorsque leurs conditions de vie s'améliorent. Et s'il est raisonnable de penser que c'est un bon signe au niveau de l'intégration des familles, il faut garder en tête que ça oblige les enfants à s'adapter à un nouvel environnement et à se refaire un cercle d'amis. 

Le rôle de l'enseignant

Comme enseignant, il importe d'adopter une attitude positive vis-à-vis l'intégration d'un élève allophone. Il faut garder en tête qu'un enfant dans cette situation a besoin de temps, de patience et de vivre un contact positif avec l'école. Il est important d'établir un climat de confiance avec lui et de l'accueillir dans sa différence.

 

Une bonne façon de l'aider à s'intégrer consiste à nourrir sa confiance en lui. Dans cet optique, lui faire sentir qu'au-delà de la barrière linguistique il est un enfant capable, qui peut assumer le même rôle que les autres dans la classe (responsabilités, ramassage, etc.) et le sensibiliser aux routines pour le rendre autonome dans le fonctionnement de la classe sont des priorités.

La différentiation pédagogique

Selon Sabine Laurent, du Département de recherches en mathématiques à l'Université de Montpellier en France, « la pratique de la différenciation pédagogique consiste à organiser la classe de manière à permettre à chaque élève d’apprendre dans les conditions qui lui conviennent le mieux. Différencier la pédagogie, c’est donc mettre en place dans une classe ou dans une école des dispositifs de traitement des difficultés des élèves pour faciliter l’atteinte des objectifs d’enseignement. »

 

Au Québec, la différenciation pédagogique fait partie des compétences professionnelles à acquérir pour devenir enseignant et pour cause: même dans les milieux les plus homogènes, les capacités des élèves ne sont pas uniformes et l'enseignant doit s'adapter pour s'assurer de la réussite du plus grand nombre d'entre eux.

L'importance de la compréhension

Lorsqu'il est question d'élève allophone qu'on intègre dans une classe ordinaire, la différenciation pédagogique prend une place encore plus importante: il s'agit d'utiliser tous les moyens possibles pour permettre à l'élève de comprendre les informations en utilisant d'autres ressources que la langue.

 

 

Il est essentiel de ne jamais perdre de vu que la difficulté de l'enfant se situe au niveau linguistique et que ça affecte l'ensemble des matières scolaires. La compréhension des consignes, des tâches et des concepts passe par le décodage du français et il est fort à parier que les élèves allophones obtiendraient des résultats similaires à leurs camarades de classe si le contenu était dans leur langue d'origine.

Comment différencier ?

Une bonne pédagogie différenciée se vit sur trois niveaux. Dans un premier temps, l'enseignant adapte le contenu de manière à le rendre plus accessible à l'enfant. Ensuite, il modifie le processus de la tâche pour la rendre moins lourde. Finalement, l'enseignant adapte la structure de la classe afin de rendre les conditions d'apprentissage aussi favorables que possibles.

 

Il n'existe aucun moyen de différenciation qui soit infaillible. Certains ont toutefois fait leurs preuves à plusieurs reprises et j'ai décidé de les partager avec vous pour vous inspirer dans vos interventions futures:

 

Le contenu

  • Offrir à l'enfant des documents à lire qui sont imprimés à double-interligne. La lecture semblera plus légère et il pourra conserver des traces de sa lecture dans l'espace laissé.
  • Trier l'information transmise afin de ne garder que les éléments importants. En mathématique, l'aider à discriminer l'information des problèmes à résoudre. En français, surligner avec lui les éléments importants.
  •  Se doter d'un code de couleur ou de symbole.
  • Dessiner des indications dans la marge.
  •  Réduire la charge de travail, adapter les contenus aux capacités de l'enfant.
  •  Proposer les réponses à l'intérieur des questions, lorsque c'est possible.

 

Le processus

  • Morceler la tâche en plusieurs étapes. Par exemple, ne lui donner qu'un seul numéro à la fois et le corriger au fur et à mesure. On pourrait aussi opter pour plusieurs questions courtes au lieu d'une seule très complexe ou très longue.
  •  Adapter les tâches proposées à l'intérêt de l'élève.
  • Utiliser les intelligences multiples et varier les équipes de travail
  •  Favoriser l'utilisation de matériel de manipulation.
  • Imager les consignes à l'aide de pictogrammes ou de procéduriers.
  • Multiplier les affiches de support sur les murs de la classe.
  • Lui lire les consignes à voix haute.
  • Donner libre accès aux ressources matérielles (dictionnaire, calculatrice, encyclopédie, logiciel, etc.)
  • Utiliser l'entrevue individuelle lorsque c'est possible à la place de questions écrites.

 

La structure

  • Donner les textes à lire quelques jours à l'avance pour permettre à l'enfant de les lire et de se familiariser avec les informations.
  • Permettre à l'enfant de se jumeller à un élève ou de travailler à proximité de l'enseignant.
  • Instaurer un parrainage entre l'élève allophone et un élève fort.
  • Permettre des pauses plus fréquentes à l'enfant allophone; l'apprentissage d'une langue demande beaucoup de concentration et d'énergie.
  • Réduire les sources de distraction (utiliser les coquilles insonorisantes ou prévoir un local isolé, par exemple)
  • Afficher clairement et en image chacune des routines de la classe pour que l'enfant puisse s'y référer au besoin.
  • Être constant dans l'application des routines, des consignes et des conséquences pour offrir une stabilité rassurante.
  • Remettre une fiche aide-mémoire avec les stratégies de révision.

Bibliographie

LAURENT, Sandrine. En ligne. <http://www.edu.gov.on.ca/fre/teachers/studentsuccess/a_ecoutepartie1.pdf.> (consulté le 14 février 2015)

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