Rendre à l'écriture le statut de création

*Ce billet est un travail universitaire réalisé dans le cadre du cours DDM410X - Projet pédagogique et ressources du milieu (Littérature et créativité).

Créer, au delà de l'orthographe et de la grammaire

En quatrième année de baccalauréat, nous avions à choisir un des quatre profils suivants:

  • Univers social
  • Sciences et technologies
  • Littérature et créativité 
  • Arts et danse

J'ai choisi le profil littérature et créativité par intérêt personnel, parce que ça rejoignait mes anciennes amours du certificat en création littéraire.

 

Ce cours a fait en sorte que je me retrouve dans un chalet dans le bois avec 30 autres étudiants pour faire des ateliers de création littéraire et une soirée à micro ouvert pour partager une de mes créations. Honnêtement, j'ai eu des doutes au début de la session mais maintenant je sais que ce choix de profil a transformé ma vision de l'enseignement de l'écriture. 

 

D'aussi loin que je me souvienne, l'écriture a toujours fait partie de ma vie. Enfant, j'écrivais des histoires, que je lisais à qui voulait bien les entendre dans la cour d'école. Adolescente, l'écriture d'un journal et de poésie m'a littéralement gardée en vie. J'ai longtemps carburé à la satisfaction de voir la réaction de mes amies, suspendues au fil des récits que j'écrivais dans mes cahiers de notes du secondaire. Jeune adulte, j'ai connu mon homme et j'ai découvert l'amour à travers l'écriture de courriels sans fin.

 

C'est pour toutes ces raisons que lorsque la maternité s'est mise à me sortir par les oreilles et que j'ai senti le besoin de m'accomplir autrement qu'avec ma progéniture, j'ai commencé un certificat en création littéraire. À l'époque, mon objectif était le baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire, mais n'ayant pas fait de cégep, l'orienteur m'avait suggéré de faire une session d'université dans un domaine où je savais que j'aurais de bonnes notes.

 

Lorsque je suis montée dans l'autobus vendredi, je me sentais fébrile. Je savais que pour quarante-huit heures, j'allais devoir mettre de côté toutes mes excuses et prendre le temps d'écrire.

 

J'ai souvent envie d'écrire, mais je n'écris jamais. À la fin de mes journées, quand je suis tendue ou fâchée, j'ai envie d'écrire des lettres pour régler mes conflits sur papier. Pour libérer ce que je ne dirais jamais de vive voix. J'ai parfois envie d'écrire des histoires pour mes enfants ou de raconter ma perception des choses anodines du quotidien. J'ai souvent envie d'écrire, mais je n'écris jamais. Sauf la fois où j'étais en Haïti et que l'écriture me permettait de m'inventer une solitude dans un pays où les bulles personnelles n'existent pas.

 

Le camp m'a permis de renouer avec l'écriture. Je ne sais pas à quel point c'est pertinent comme apport du point de vue d'une chargée de cours, mais pour moi, c'est la chose la plus belle, la plus douce et la plus douloureuse à la fois.

 

D'une part, le camp m'a obligée à admettre mon envie refoulée d'écrire. À mettre des mots sur le manque de temps et sur le trop-de-bruit. Sur le manque de bulle. À prendre conscience qu'il n'y avait rien, que du vide au bout de mon escalier. Le camp m'a forcée à me demander pourquoi j'ai peur d'écrire. Pas vraiment d'écrire, mais de devoir justifier pourquoi j'écris. De devoir justifier les émotions liées à l'écriture.

 

Le camp m'a aussi permis de retrouver la musique. Ma musique. Dans ma vie, l'écriture est toujours venue accompagnée de rythmes, de souffles, de respirations. De pauses trop longues pour une simple virgule, de choses définitives à qui seul le point final sait rendre justice. De phrases écrites tantôt lentement et soigneusement, tantôt vite, presque sauvages. Le camp m'a en quelque sorte rendu ma poésie.

 

Le camp m'a donné envie de continuer en création littéraire. Pas de délaisser mes élèves et la classe, mais au moins de terminer mon certificat. Je pense que lorsque je l'ai commencé, je l'ai pris de travers. Je l'ai pris comme un moyen de faire autre chose, comme une porte d'entrée vers l'enseignement. Le camp m'a donné envie de rendre à l'écriture le statut de création.

 

D'un point de vue professionnel, je ne peux pas m'empêcher de rebondir là-dessus parce que je pense que c'est un aspect qui est souvent mis de côté lorsqu'on enseigne l'écriture. En classe, on insiste beaucoup sur l'orthographe et la grammaire, sur la structure des phrases et l'enchaînement des idées. On met l'accent sur le contenant plus que sur le contenu, mais ce n'est pas parce qu'ils ne savent pas bien écrire que les élèves n'ont pas de belles choses à raconter. Je pense que dans ce sens-là, le camp m'a aidée à faire un pont entre la création littéraire et l'enseignement et à remettre en perspective l'aspect créatif de l'écriture.

 

Grâce au camp, je suis aussi beaucoup plus consciente de l'importance du processus créateur. La fin de semaine m'a permis de me plonger dedans et de réfléchir aux facteurs irritants et aidants de sorte que je me sens mieux outillée pour placer les élèves dans des situations d'écriture créativement efficaces.

 

J'ai aussi plus que quiconque été confrontée au fait que parfois, il faut savoir se laisser du temps et de l'espace pour pouvoir écrire. Dans le contexte d'une salle de classe, ça signifie pour moi de laisser un peu de souplesse dans l'horaire et de ne pas restreindre les élèves à écrire assis à leur place. Ça veut dire que c'est correct de semer une idée dans leur tête et de laisser les idées incuber quelques jours. Ça veut aussi dire qu'on ne peut pas leur imposer que l'illumination vienne à la quatrième période jeudi après-midi.

 

Est-ce que tout ça me rend meilleure dans mon rôle de "passeur culturel" ? Je ne sais pas. Une chose est sûre cependant: ça me donne envie de faire de mes élèves des individus créateurs et ça me donne le goût de tout faire pour leur transmettre ma passion de l'écriture.

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Commentaires: 1
  • #1

    Stéphanie Laurence (jeudi, 27 octobre 2016 14:48)

    Un si beau texte mon amie !
    Il me donne envie d'en écrire un aussi sur mon goût de l'écriture.
    Est-ce que je peux ?