Mon projet de développement personnel

Au cours de la dernière année, j'ai fait la connaissance d'autres enseignants qui m'ont beaucoup inspiré par leur manière d'intégrer les technologies de l'information et de la communication en classe. Ils m'ont amenée à faire évoluer ma perception et m'ont fait découvrir plusieurs ressources intéressantes. Grâce à eux, j'envisage désormais d’utiliser les TIC au quotidien dans ma manière d'enseigner.

 

Ces rencontres m'ont aussi fait prendre conscience que l'intégration des TIC est une compétence que j'ai négligée pendant ma formation universitaire. Je n'ai jamais vraiment pris la peine d'incorporer la technologie dans les situations d'apprentissages que j'ai créées pour mes travaux ou pour mes stages. Je n'ai pas non plus cherché à pousser très loin mon utilisation de l'ordinateur avec les élèves pendant les stages. De plus, je n'ai pas encore terminé le seul cours relatif aux technologies de l'information et de la communication nécessaire à l'obtention de mon diplôme: je suis en train de le suivre présentement via la TÉLUQ.

 

Dans le but de poursuivre mon développement personnel et professionnel, j'ai donc décidé de parfaire la compétence intégrer les technologies de l'information et des communications aux fins de préparation et de pilotage d'activités d'enseignement apprentissage, de gestion de l'enseignement et de développement professionnel.

Caractéristiques du milieu

L'école Saint-Gabriel-Lalemant est située à l'extrémité est de l'arrondissement Villeray à Montréal. C'est une école avec un indice de défavorisation élevé, au point que depuis quelques années, le ratio d'élèves par classe a été diminué. Les enfants qui la fréquentent proviennent majoritairement de familles immigrantes de première ou de deuxième génération.

 

En 2016, lors du renouvellement du plan de réussite de l'école, les enseignants de Saint-Gabriel-Lalemant ont décidé de placer la lecture et l'écriture au centre de leurs préoccupations. Parmi les actions mises en place pour aider les élèves à développer leurs connaissances de base en français au 3e cycle, il y a:

  • Le carnet d'écrivain (banque de mots, jeux lexicaux, écriture à partir d'images)
  • L'utilisation de la littérature jeunesse
  • Les dictées innovantes (comme la dictée zéro faute)
  • Les jeux d'écriture
  • Les entretiens de lecture
  • La création de matériel pédagogique "maison".

Besoins des élèves

Ma classe de cinquième année compte 16 élèves, autant de filles que de garçons. Ils sont pour la plupart originaires du nord de l'Afrique (Maghreb) ou de l'Amérique centrale et du Vietman.

 

Bien que la majorité d'entre eux soient nés au Québec, la plupart n'ont pas le français comme langue maternelle. Ils parlent arabe, espagnol ou vietnamien. Dans ce contexte, certains élèves ne peuvent même pas compter sur de l'aide à la maison puisque leurs parents ne parlent pas français.

 

Les deux tiers de ma classe sont à risque en lecture, en écriture et/ou en mathématiques. Six élèves ont des plans d'intervention, parmi lesquels trois élèves ont reçu une cote 10 pour les difficultés d'apprentissage.

Description du projet

En gardant en tête le projet éducatif de l'école et le plan de réussite de la commission scolaire, je me suis avant tout donné comme objectif de transmettre à mes élèves le goût de l'écriture. J'ai donc mis en place plusieurs moyens pour y parvenir, parmi lesquels se trouvent également les jeux d'écriture et les cercles d'auteurs.

 

Afin de satisfaire à la fois mes besoins personnels de formation et les besoins spécifiques de mes élèves, j'ai donc décidé que mon projet consisterait à utiliser les technologies de l'information et de la communication comme outil pédagogique (au même titre que les manuels scolaires, par exemple) plutôt que comme un média.

 

Ma décision est appuyée par les propos de Karsenti et Collin (2016), qui disent que pour que les TIC participent à la réussite scolaire des élèves, "il ne faut pas se limiter à la seule vision utilitaire des technologies, mais bien cerner les transformations éducatives qu’elles pourraient alimenter dans la classe. Et cette évolution technologique se doit impérativement de passer par la pédagogie, par un enseignement qui incarne le changement et l’innovation, non pas tant d’apprendre à utiliser la technologie, mais plutôt comment mieux enseigner, avec la technologie."

Twitter

 Après avoir échangé sur le sujet avec plusieurs enseignants bien établis de mon entourage, j'ai décidé de travailler avec Twitter. Ce faisant, je veux offrir à mes élèves une plateforme pour être lus et pour échanger avec d'autres classes. Des études mentionnent que l'usage de Twitter (compte de classe) avec ses élèves pour partager les projets réalisés a révélé un impact important sur la motivation des élèves (Karsenti, 2017), je veux donc utiliser ces interactions quotidiennes pour donner à mes élèves l'occasion et l'envie d'écrire chaque jour.

 

D'un point de vue purement pédagogique, je trouvais intéressant le fait d'être limité à 140 caractères pour chaque production. À mon avis, c'est un défi stimulant qui va permettre aux enfants d'apprendre à bien cibler et respecter l'intention d'écriture. La longueur des messages est également un bon prétexte pour les inciter à bien construire leurs phrases et développer leur vocabulaire en utilisant des expressions et des synonymes afin d'avoir le mot juste. Le format de message facilite également la fréquence de la rétroaction étant donné la rapidité de correction qu'il implique.

Mise en place

Lors de la première semaine de stage, nous avons pris une période complète pour parler de Twitter. Nous avons discuté de tout ce que les élèves savaient à propos du média social et je leur ai présenté le compte de la classe. Nous avons également commencé à écrire collectivement les informations qui feront partie de notre biographie.

 

La deuxième semaine, j'ai créé une fiche afin d'aider les élèves à respecter la contrainte des 140 caractères. En écrivant d'abord leur micromessage sur cette fiche, il sera plus facile de les corriger avant la publication. De plus, ces fiches seront publiées dans le corridor chaque semaine sur un carton bien identifié. Ce sera une version  concrète de notre flux d'actualité virtuel. Ainsi, tous les élèves et tous les intervenants de l'école pourront nous suivre même s'ils ne sont pas abonnés.

 

J'ai également créé un document pour les aider à se familiariser avec le vocabulaire associé à Twitter. J'insiste pour que nous utilisions le bon langage et que les termes soient en français. Ainsi, nous ne parlons pas de tweet, mais de gazouillis. Nous ne parlons pas de followers, nous parlons d'abonnement. Et ainsi de suite.

Nos premiers gazouillis

Capture d'écran provenant de Twitter.
Capture d'écran provenant de Twitter.

Lors de la troisième semaine de stage, les élèves ont poussé leur premier gazouillis. Leur message s'adressait aux éditeurs du magazine Okapi et portait le mot-clic #futurmoi, en lien avec un projet d'écriture vécu en classe. Ce projet, inspiré d'un article de la revue préférée des élèves, comportait un volet exclusif à Twitter.

 

Tous se sont montrés particulièrement enthousiastes de publier sur Twitter. Dans leur bilan écrit de la semaine, certains ont même mentionné qu'ils avaient trouvé l'expérience excitante, voir même que l'idée d'être lu par autant de gens les avait rendus nerveux. Chose certaine, beaucoup on mit plus d'efforts à corriger cette seule phrase qu'ils en ont mis dans leur texte entier.

De manière ponctuelle

Alors que je pensais pouvoir profiter de cette vague d'intérêt pour enseigner à l'aide de Twitter, la réalité m'a vite rattrapée: la semaine de relâche est arrivée et nous avons tous "oublié", emportés par le tourbillon de tout le reste. À quelques reprises pendant les semaines suivantes, nous avons utilisé Twitter pour partager simplement nos activités coup de coeur, comme en témoignent ces deux captures d'écran.

Le mois de la poésie

Profitant du mois de la poésie (en avril), nous avons mis notre cahier d'exercices de côté le temps d'un projet d'écriture. Nous avons commencé par créer des métaphores et des comparaisons à l'aide de "cartes à poèmes". Ces cartes contiennent des petits bouts de phrases, qui peuvent être assemblés à volonté dans le but de former des images poétiques.

 

Étant donné que les textes ainsi formés sont courts, certains élèves ont choisi de les publier utilisant les mot-clics #poesie et #stage4. 

#ProjetPhotoPoésie

En avril, le mot-clic #ProjetPhotoPoésie a pris vie sur Twitter. Chaque jour, des élèves qui proviennent de plusieurs écoles y ont publié des poèmes et des images qui ont fait vibrer leur coeur.

 

Étant donné qu'il s'agit d'un véritable coup de coeur, j'ai décidé d'en parler plus en détail dans la section coup de coeur de mon stage 4. 

Retombées du projet

Du point de vue des élèves

La dernière semaine de mon stage, les élèves ont écrit un bilan individuel de ce qu’ils retenaient de mon passage dans leur classe. Ces bilans m’ont permis de constater que mon objectif de leur faire aimer l’écriture a été atteint.

 

Concernant le volet Twitter, ils ont été nombreux à me souligner que l’utilisation des médias sociaux comme méthode de publication les a vraiment motivés à écrire et à se corriger. À propos de la correction, une élève a même dit que le fait de savoir que plusieurs personnes pouvaient lire son message l’a incitée à mettre plus d’efforts dans la correction de ses textes.

 

Les élèves ont également mentionné que la restriction des 140 caractères a été pour eux une source de motivation. Chez les élèves plus forts, la contrainte a fait naître le défi de trouver le mot exact et de bien transmettre l’idée en peu de mot. À l’inverse, les plus faibles, qui sont normalement découragés par la longueur du texte à écrire et le temps qu’il faut pour se corriger, y ont eux aussi trouvé leur compte.

 

Tous ont apprécié que les activités en lien avec Twitter soient signifiantes, tant au niveau du sujet que du destinataire. Ils ont par exemple beaucoup aimé écrire un texte qui s’adressait à eux dans le futur en s’inspirant d’un article tiré du magazine Okapi et adresser ensuite leur gazouillis aux rédacteurs et aux lecteurs de ce magazine. 

Du point de vue de l'enseignante

De mon point de vue, l’impact de l’utilisation de Twitter sur les élèves et leurs apprentissages est positif, surtout au niveau de leur motivation à écrire et de leur volonté de se corriger.

 

En effet, j’affirme sans la moindre hésitation que durant mon stage, leur rapport à l’écriture s’est transformé. Je les crois aisément lorsqu’ils me disent que le projet les a motivés à écrire parce que je l’ai senti. D’une part, ils se mettaient beaucoup plus facilement et rapidement au travail pendant les périodes d’écritures où nous utilisions Twitter. J’ai aussi entendu les élèves demander à plusieurs reprises s’ils pouvaient écrire quelque chose pour Twitter plutôt que de commencer une autre activité déversoir. Il est même arrivé qu’ils préfèrent continuer à écrire plutôt que de changer d’activité.

 

Du point de vue de la correction, j’ai senti que le fait de se retrouver devant un texte très court comme un gazouillis est beaucoup moins intimidant pour les élèves. En effet, lorsque le texte est long, il me semble que les élèves tendent à être découragés par l’ampleur de la tâche, comme s’ils ne savaient pas comment morceler le travail ni à quel endroit mettre leurs priorités. Or, un texte de 140 caractères est beaucoup plus facile à saisir dans son ensemble et il m’a semblé que ça aidait les élèves à choisir quel aspect de la correction ils devaient aborder en premier.

 

Aussi, j’ai pu constater que les élèves, surtout ceux qui sont en difficulté, ne parviennent pas toujours à terminer l’écriture ou la correction de leurs textes. Avec les micromessages, ils ont pu vivre le même sentiment d’accomplissement que les autres. Pour eux, c’est une grande réussite en soi, tant du point de vue de la motivation à écrire que de la satisfaction d’avoir bien fait son travail jusqu’au bout.

Tel que mentionné au tout début de ce rapport, mon principal objectif professionnel face à l’intégration des technologies de l’information et de la communication était de réussir à vivre de la cocréation de contenu avec mes élèves en utilisant le numérique.

 

À mon avis, une des activités que nous avons vécues pendant le mois de la poésie m’a permis de me rapprocher de mon objectif, mais j’hésite à dire que je l’ai pleinement atteint. Selon Margarida Romero, la cocréation se produit lorsque «l’apprenant réalise une production en collaboration ou collabore avec des pairs dans la modélisation de connaissances à l’aide d’outils numériques dans un processus créatif collaboratif.»

Impact du projet sur mon développement professionnel

Dans les exemples ci-dessus, les élèves ont travaillé en équipe pour former les différents vers à l’aide des cartes à poème. Ils ont ensuite collaboré pour accorder correctement les verbes et se sont relayés pour le partage et la correction sur Twitter. Je ne crois pas que ce soit une démonstration très éclatante de ce que peut être la cocréation de contenu, mais je pense que c’était un premier pas timide dans la bonne direction.

 

La vérité, c’est que les contraintes environnantes (manuels scolaires, échéanciers, contraintes imposées par le cours DDD4645, etc.) et mon désir de collaborer à tout prix avec mon collègue de la classe d’en face m’ont tenu éloignée de mon objectif pendant la plus grande partie du stage.

 

Je pense également que mes objectifs personnels étaient difficiles à atteindre et que l’utilisation des technologies de l’information et de la communication que j’avais en tête pour ma classe demande plus de temps que j’en avais de disponibles pendant un stage de 45 jours et qu’au final, je n’ai pas fait la moitié de ce que j’avais envisagé.

 

J’ai compris que ce serait sans doute plus facile d’utiliser Twitter pour remplir les objectifs que je visais (écriture quotidienne, enseignement de procédures d’autocorrection, etc.) si je l’utilisais chaque jour et comme seul outil d’enseignement.

 

En stage, je devais combiner l’utilisation de Twitter avec celle du manuel Vingt-mille mots sous les mers et au final, même si le réseau social me permettait de faire appliquer concrètement et de manière stimulante les contenus à apprendre, la combinaison des deux était parfois redondante et difficile à coordonner.

Dans le futur...

Malgré tout, ce projet de développement professionnel et personnel m’a permis de faire évoluer ma manière de vivre la compétence 8 (intégrer les technologies de l’information et des communications aux fins de préparation et de pilotage d’activités d’enseignement apprentissage, de gestion de l’enseignement et de développement professionnel). L’expérience a été enrichissante sur le plan professionnel parce qu’elle m’a permis d’objectiver l’utilisation régulière des TIC et de réfléchir à la manière dont je vais les utiliser lorsque j’aurai ma propre classe.

 

Mon projet de développement professionnel m’a tout d’abord permis de vivre certains défis techniques associés à l’intégration des TIC en classe comme la disponibilité des ordinateurs et la fiabilité de la connexion internet d’une école. J’ai aussi pu constater plus d’une fois qu’il faut prévoir plus de temps pour les transitions (installation et ramassage) qui entourent les activités qui se vivent à l’ordinateur.

 

Bien que je sais désormais que ma vision de l’enseignement à l’aide des TIC de l’avant-projet était un peu trop romantique, je suis déterminée plus que jamais à relever le défi et à mettre en place un système où la technologie occupe une grande place puisque j’ai pu mesurer l’impact positif qu’ont les TIC sur la motivation des élèves.

 

Dans mes futures classes, je veux réinvestir l’utilisation de Twitter, avec les mêmes objectifs pédagogiques que ceux que j’ai énoncés dans la partie Anticipation de mon projet de développement professionnel. Je demeure convaincue que le sentiment de collaborer avec d’autres classes sur un média comme celui-là est un sentiment puissant et gratifiant pour les élèves et que c’est sur cela que je veux miser dans l’avenir.

 

Comme défi personnel pour mon début de carrière, j’ai décidé de m’inscrire à la plateforme coopérative Challenge-U et de tenter de me familiariser avec son fonctionnement et son contenu. Pour y parvenir, je compte demander l’aide de collègues, utiliser des tutoriels et échanger avec d’autres enseignants sur des forums de discussions. En me fixant de petits objectifs simples et réalistes, je suis convaincue de parvenir à intégrer Challenge-U à ma pratique graduellement d’ici les trois prochaines années.    

Bibliographie

Karsenti, T. et Collin, S. (2016). Pour un enseignement obligatoire de la littératie numérique à l’école primaire et secondaire. Formation et profession 24(2), 78-81. http://dx.doi.org/10.18162/fp.2016.a98

 

Karsenti, Thierry. (2017). 32 stratégies pour agir sur la motivation scolaire des jeunes. En ligne. < http://karsenti.ca/32aqisep.pdf>. Consulté le 15 février 2017.

 

Romero, Margarida. (2015). Usages pédagogiques des TIC : de la consommation à la cocréation participative. En ligne. < http://www.vteducation.org/fr/articles/collaboration-avec-les-technologies/usages-pedagogiques-des-tic-de-la-consommation-a-la>. Consulté le 15 février 2017.